Jusqu’à présent, les clubs de ski et les athlètes de haut niveau étaient les seuls à pouvoir pratiquer. Photo Le DL/ Sylvain MUSCIO
À Bardonecchia, le domaine n’accueillera que 4 000 skieurs, un tiers de la capacité habituelle. Avec cette jauge, la station tourne à perte, mais pour Nicola Bosticco,
son administrateur, ouvrir relève de la responsabilité sociale.
Le palais des fêtes de Bardonecchia, station
piémontaise voisine de la France,
propose pour la première
fois depuis des mois, ce lundi, une exposition. Des photos historiques, sur le thème « Guerre sur les Alpes
». À quelques centaines de mètres de là, au pied des pistes, dans une autre
guerre, encore indécise, celle contre la Covid-19, une bataille vient d’être gagnée. Victoire à la Pyrrhus peut-être, car elle coûtera
plus cher qu’une
retraite en rase campagne, mais victoire tout de même : les remontées mécaniques ouvrent ce lundi.
« Depuis quatre
ou cinq jours,
on ne parle plus que de ça », avoue
Nicola Bosticco,
administrateur délégué de la Colomion, société privée qui exploite le domaine skiable,
et beaucoup d’activités qui vont avec,
de la restauration d’altitude aux loisirs de substitution.
Pour lui, c’est clair,
« on s’est diversifié, mais rien ne remplace le ski. La randonnée et le reste n’ont pas de modèle
économique ».
• Une ouverture à perte
Les particuliers vont donc rejoindre, sur les pistes,
les jeunes des clubs de ski, déjà autorisés à s’entraîner, comme les athlètes de haut niveau
(Alexis Pinturault et Tessa Worley en ont d’ailleurs profité avant les Mondiaux de Cortina d’Ampezzo). Sur place, c’est
un « ouf » de soulagement. « Au moins
60 % de la population active travaillent dans le
tourisme », calcule Francesco Avato, maire de cette commune de 3 200 habitants. Il y a, par exemple, 300 moniteurs de ski. Comme
dans les autres
secteurs mis à l’arrêt à cause
de la crise, ils se trouvaient sans revenu. « Nous n’avons
eu aucune indemnité », confirme Emanuela Bortolotti, directrice adjointe de la Scuola
sci Bardonecchia, la plus ancienne
des écoles locales (80 moniteurs). Faute
de dispositif national, la région Piémont
envisage d’en créer un, mais les concertations avec Rome sont toujours en cours. Ce ne sera,
de toute façon, qu’une
enveloppe globale à répartir entre
tous les sinistrés de la Covid.
Nicola Bosticco
compte lui aussi
sur les aides
étatiques. Il confie même que sans
elles, l’économie italienne de la montagne ne survivra pas. Or la Colomion
n’a rien touché depuis la fermeture soudaine
intervenue le 7 mars 2020.
Elle pourrait percevoir, au maximum, 49 % du
chiffre d’affaires perdu, soit environ
4 millions d’euros,
« mais on a des coûts en face de ça, et c’est seulement si l’État a l’argent », remarque-t-il. Les charges fixes d’exploitation représentent 70 % des recettes des remontées mécaniques.
L’ouverture à voilure
réduite à partir
de ce lundi ne couvrira
pas les frais.
« On va tourner à perte, mais nous nous devons d’ouvrir
», insiste le chef d’entreprise, « parce que nous
sommes dans un milieu montagnard, avec une responsabilité économique et sociale
».
Derrière les remontées mécaniques, c’est tout un milieu
qui redémarre. Les pistes
accessibles, les clients
reviennent. C’est compliqué, parce que les déplacements entre régions sont toujours interdits, au moins jusqu’au
25 février. La clientèle sera donc essentiellement piémontaise, sauf pour les propriétaires de résidence secondaire, qui peuvent venir même s’ils habitent
Milan ou Gênes.
On ne constate
donc pas encore
de ruée sur les réservations hôtelières. Résultat, « les
plus gros hôtels restent fermés
», constate Giorgio
Montabone, président du Consortium
touristique. Depuis Noël,
« les petits magasins tournent
un peu », reconnaît Francesco
Avato, mais les théâtres,
cinémas et équipements sportifs restent fermés,
et les restaurants sont ouverts le midi seulement, sauf pour la vente à emporter.
De ce côté-là, rien ou presque ne va changer
dans l’immédiat.
N’importe, cette réouverture des remontées est vécue comme un signe
d’espoir. « Nous avons beaucoup de demandes », sourit Emanuela
Bortolotti. En face de l’espoir,
il y a le doute,
car si le taux de réplication du virus, aujourd’hui à 0,93, dépasse
1,25, le Piémont repassera en « zone orange », donc sous cloche. La monitrice résume
la situation : « nous ne
sommes pas sereins,
mais nous sommes
heureux. C’est peut-être un beau signal
de retour à la normalité ».